Caravaggio en interview à propos de la musique de « L’amour est un crime parfait » sur le site cinezik
Allez voir le film, et restez à l’affut des infos pour savoir où se jouera le concert sur le film…
Caravaggio : La musique est un hasard parfait !
Rencontre,
Caravaggio est un groupe formé de Benjamin de la Fuente et Samuel Sighicelli (qui viennent de la musique contemporaine) ainsi que de Bruno Chevillon et Eric Echampard (qui viennent du jazz). Il signe avec L’AMOUR EST UN CRIME PRESQUE PARFAIT des frères Larrieu (sorti le 15 janvier 2014) sa première BO.
Interview du groupe Caravaggio
A propos du film L’AMOUR EST UN CRIME PARFAIT
De gauche à droite : Eric Echampard, Benjamin de la Fuente, Samuel Sighicelli, Bruno Chevillon.
« Pour le film, on ne se disait pas qu’il fallait faire du Caravaggio. »
Comment définiriez-vous le style musical du groupe ?
Caravaggio : Il n’y en a pas vraiment. On fait des concerts dans un circuit qui est celui du jazz contemporain, mais c’est un circuit large esthétiquement, qui nous accepte. Mais sinon, on n’est pas dans un domaine précis. C’est ce qui fait notre liberté au sein du projet Caravaggio. Il n’y a pas de contraintes esthétiques. Notre intérêt pour un projet de disque ou un morceau est purement poétique. On utilise ensuite les moyens divers que nous avons pour y parvenir. Nous sommes tous des improvisateurs de formation. De plus, nous n’avons pas envie d’oublier ce que l’on faisait, du jazz ou du contemporain. Cela nous mène vers des musiques hybrides.
Pensez-vous que votre musique pour le film des frères Larrieu peut être considérée comme votre propre musique ?
Caravaggio : En partie évidemment. On est obligé d’aller à l’essentiel par rapport à l’image. Habituellement, on a tendance à jouer sur l’individualité de chacun dans l’écriture, que chacun puisse s’exprimer. Pour le film, on a dû épurer au maximum pour entrer dans l’image. C’était un travail que nous n’avions pas l’habitude de faire. On venait de faire un album très dense, très chargé. Pour le film, on ne se disait pas qu’il fallait faire du Caravaggio. On était nous-même, mais il fallait en même temps réduire notre style au maximum pour l’image. C’est parfois juste un son, deux notes, sans batterie… c’est toujours Caravaggio, mais sous une forme minimale. D’autant qu’il y a une demande précise par rapport au film. Il est certain que l’on ne fait pas pour le film la même chose que pour le concert. Réduire le langage, le rendre plus lisible, car il est complété par l’image. Dans tous les cas, les choses se font au feeling.
A quel moment êtes-vous intervenus sur le film ?
Caravaggio : Le film n’était pas encore totalement monté. Nous avions quelques rushes sur lesquels nous avons commencé à travailler. Mais on ne les avait pas devant nous lors de nos premières séances de travail. On a joué dans le souvenir des images que nous avions vues et des discussions avec les réalisateurs. Aussi, au départ, ils avaient commencé à monter le film avec la musique de nos disques. A partir de là, on devait être cohérent avec la musique qu’ils nous avaient empruntée. C’était facile puisque c’était nous. Au final, il en reste quatre titres, notamment au prologue et au générique de début.
Le dialogue avec les réalisateurs s’est donc fait à partir de vos disques ?
Caravaggio : Ils nous ont demandé de travailler à partir de bribes de nos morceaux, en disant qu’entre telle et telle seconde il faut développer pour telle scène. Ils nous ont d’abord demandé de la matière pour l’esprit général du film, et dans un second temps des endroits précis où la musique était nécessaire. Des musiques ont ensuite pu être déplacées. On a aussi pu suggérer des endroits. C’était un travail d’allers-retours entre nous et les réalisateurs. Ils étaient très présents.
Y a-t-il eu l’idée à un moment de créer un thème pour le film ?
Caravaggio : Les réalisateurs ont dégagé du disque un motif qu’ils ont appelé « bouffée d’amour » et qui revient régulièrement. Il y a beaucoup de choses répétées. Cela correspond à l’aspect obsessionnel du personnage.
La musique est ainsi liée au personnage d’Amalric ?
Caravaggio : On n’était surtout pas dans la psychologie. Mais l’électro a amené une étrangeté qui est liée à Amalric. On y pensait pas en le faisant, ce sont les musiques placées au montage qui donnaient le ton. On ne pouvait ensuite qu’être juste par rapport aux intentions des réalisateurs.
Le montage s’est-il adapté à la musique ?
Caravaggio : Le générique de début a été monté sur la musique et sa durée correspond au morceau.
On entend également dans le film une chanson de Christophe qu’écoute le personnage. De quelle manière cela a guidé votre travail ?
Caravaggio : Cette chanson était présente dés le tournage. Elle devait d’ailleurs être au générique de fin, mais au final on a imposé notre musique, pour maintenir la bizarrerie du film jusqu’à bout et non pas conditionner au générique la perception du spectateur dans quelque chose de plus léger. Aussi, on avait proposé pour la séquence du parking un « morphing » entre notre musique et celle de christophe, mais cette idée n’a pas été gardée, les réalisateurs préféraient garder du silence avant la chanson. On a donc mis notre travail à la poubelle. C’est le jeu, c’est une commande.
Souhaitez-vous renouveler l’expérience après ce coup d’essai, comment allez-vous gérer les propositions de la part des réalisateurs ?
Caravaggio : On vient chercher Sonic Youth sur un film pour l’univers Sonic Youth. C’est la couleur Sonic Youth que les réalisateurs veulent. Nous, c’est la même chose. Même si on veut bien faire des choses différentes, être un peu bousculés, ne pas faire que du Caravaggio, on ne va pas non plus faire des pastiches de jazz, de bossa nova… on n’est pas des caméléons. Même si pour la scène de la piscine du film des Larrieu, on a tenté une musique Lounge. On s’est amusé à la faire, même si on ne l’a pas gardée au final. Mais les réalisateurs ne nous avaient rien imposé là-dessus, on a fait la proposition.
Quels sont les réalisateurs avec lesquels vous aimeriez travailler ?
Caravaggio : Philippe Grandrieux, Jacques Audiard, Arnaud Desplechin… Mais c’est surtout au projet que l’intérêt nait. Même si on aime un réalisateur, il faut que le projet nous corresponde.
Où en êtes-vous concernant vos concerts et albums ?
Caravaggio : On prépare notre nouvel album. On a déjà quatre morceaux assez longs en chantier. On a aussi des projets de spectacle théâtral, un autre avec un orchestre symphonique et deux chanteurs pop. On essaie d’être un groupe de scène aux projets atypiques. Le film en fait partie. On va d’ailleurs jouer cet été le film en concert, sans la musique mais avec la bande son et les paroles, en refaisant une bande musicale pour une forme concert. C’est une idée des réalisateurs. Ils sont très enthousiastes sur l’aspect musical de leur film.
Interview réalisée à Paris le 9 janvier 2014 par Benoit Basirico
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