Certes, ce n’est pas à Toulouse, mais franchement, c’est un concert qui vaut le déplacement! Coup de pouce et coup de cœur pour cette proposition de la MJC d’Albi. Allez-y !
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Pedro Soler & Gaspar Claus
25 mai 2013 au Noctambule
18h30 | Rencontre destinée aux élèves du Conservatoire de Musique du Tarn et de la MJC d’Albi | entrée libre |
20h30 | Concert | 12€ & 8€ (adhérents MJC, élèves conservatoire, chomeurs et étudiants) |
Le Noctambule / MJC Albi 13 rue de la république – 05.63.54.20.67
Pedro Soler & Gaspar Claus, la belle famille
Belle rencontre familiale entre le flamenco et les musiques improvisées : critique et écoute.
Conversation intime, dans la famille des cordes, entre un père guitariste de flamenco, Pedro Soler, et son fils violoncelliste touche-à-tout, Gaspar Claus. Le premier cultive depuis cinquante ans la mémoire d’une tradition andalouse venue du fond des âges ; le second, qui n’en a que 27, repousse les frontières de son instrument du côté des musiques improvisées.
Deux univers distincts dont la rencontre dévoile un paysage musical inouï, guidé par une recherche de l’épure et de la matière des sons commune aux deux hommes. Le phrasé et la sonorité de Soler lui permettent de transmettre en quelques notes de guitare l’univers émotionnel propre à chaque forme du répertoire (tientos, alegria, ronda minera…).
D’une frappe ou d’une caresse, le violoncelle de Claus exprime les cris et murmures de ce “chant profond” des voix du flamenco, tout en l’habitant de tonalités contemporaines. Enregistrée à New-York lors de sessions improvisées, la création bénéficie en outre des participations de Bryce Dessner, guitariste de The National et producteur de l’album, et Sufjan Stevens, à l’harmonium, sur le titre Encuentro en Brooklyn. Appuyez sur play et offrez-vous une pause.
par Yannis Ruel, Les Inrocks.com
le 12 août 2011 à 10h37
Pedro Soler & Gaspar Claus : Quel père ! Tel fils…
A quelques pas de la place de la Bastille, Pedro Soler et sa guitare sont assis tranquillement au premier étage du restaurant « Sanz Sans ». Délaissant pour quelques jours la tranquilité de son village, Banyuls-sur-mer, il attend son fils Gaspar, avec lequel il a composé l’album « Barlande », qui sortira le 11 juillet prochain chez Infine. Un premier vertige envoutant, aux portes du flamenco. Rencontre.
Pedro Soler, c’est un immense plaisir de vous rencontrer. On connait votre attachement à la culture espagnole et à vos pérégrinations dans l’univers du flamenco. Par contre, on sait moins comment vous êtes tombé dans cette « marmite musicale » ?
Pedro Soler : Je suis né à Narbonne en 1938 et j’ai passé toute mon enfance à Toulouse. Après la guerre, beaucoup d’exilés espagnols s’y étaient réfugiés. Il y avait une très forte communauté andalouse du coté du quartier de Jeanne D’Arc. Et avec eux, j’ai découvert le flamenco. J’étais fasciné par le chant de cette musique quand ils la pratiquaient. Du coup, j’essayais d’en jouer dès que j’ai eu ma première guitare. Mais ce n’était pas facile. A l’époque, personne ne donnait de cours de musique. Alors j’écoutais beaucoup de disques pour essayer d’apprendre, notamment le style de Ramon Montaya, le père fondateur du flamenco moderne. Un jour, je suis allé voir jouer le guitariste Jacinto Almadèn à Paris, qui avait été accompagné par ce très grand musicien. Il a retrouvé des choses dans mon jeu qui lui ont beaucoup plu. Il a décidé de me prendre sous son aile. Il m’a emmené avec lui en Espagne et depuis le flamenco ne m’a plus jamais quitté.
Il était donc normal que Gaspar devienne musicien ?
Gaspar Claus : En fait, ce n’était pas si évident que ça. Je pense que tout rapport entre un fils et son père, quelque qu’il soit, est forcement complexe, intense et profond. Que ces sentiments soient exprimés ou pas, bien vécus ou mal vécus, fades ou violents. Il y a eu tout ça. Mais je me rappelle d’une photographie où j’avais moins d’un an : Pedro devait me garder et il m’avait allongé dans sa caisse de guitare. C’est un peu comme l’air qu’on respire : c’est un environnement autour duquel on ne pose pas de questions mais dont on a forcément besoin, qu’on le veuille ou non ! Même si la musique n’a jamais était une véritable passion…
Pedro Soler : C’est drôle car c’est tout à fait l’inverse de ce que j’ai vécu. A partir du moment où j’ai commencé la guitare, je n’avais que cela dans la tête. Au départ, je peignais beaucoup, puis j’ai fait des études d’architecture pour suivre les traces de mon père. J’ai très vite compris qu’une vie ne suffirait pas pour réaliser tous mes projets. Alors, j’ai élagué autour de moi. J’ai tout arrêté pour la musique. En fait, je suis un éternel monomaniaque. Tout le contraire de Gaspar qui s’intéresse à tout, et qui fonce !
Gaspar Claus & Pedro Soler, « A Take Away Show »
Des différences qui se ressentent énormément dans « Barlande », votre premier album commun, qui sortira le 12 juillet prochain chez InFiné. D’ailleurs, pour quelles raisons, un fils et son père en arrivent-ils à faire un disque ensemble ?
Pedro Soler : Un jour, Gaspar a assisté à l’un de mes stages de musique, et s’est introduit presque par jeu avec son violoncelle dans une des mélodies que je montrais, à la guitare, à mes élèves. Tout a commencé comme cela. D’abord pour s’amuser. Ensuite parce que j’avais toujours rêvé de remplacer le chant du flamenco par un instrument de musique. Cela s’est fait petit à petit jusqu’à « Barlande ».
Gaspar Claus : L’album s’est composé sous forme d’aller-retours. J’ai arrêté le violoncelle pendant plusieurs années après l’avoir étudié au conservatoire. Je n’avais pas prévu de m’y remettre. Il était là dans ma chambre silencieuse, presque accusateur dans son immobilité. Du coup, lorsque j’en ai rejoué pour la première fois, j’ai découvert des sons qu’en quatorze ans de conservatoire je n’avais jamais entendus. On a beaucoup travaillé avec mon père, surtout sur la structure des différents styles de flamenco. Pedro jouait une mélodie à laquelle je proposais une réponse. On a appris à découvrir une vision différente de tous ces morceaux, jusqu’à ce qu’on arrive en studio à New-York et qu’on les enregistre. Mais, dans toutes ces étapes, nous avons été toujours profondément libres…
Un album où flamenco et tonalités modernes se côtoient sans aucun problème…
Gaspar Claus : Nous sommes aux portes du flamenco, parce que Pedro y tient et surtout pour une histoire de structure. Mais, en réalité, ce monde est tellement vaste que l’on pourrait l’explorer indéfiniment. C’est l’avantage d’une musique traditionnelle et c’est pour cela qu’elle semble si vivante selon moi. Au sein d’une structure rigide, le son s’explore. On dit souvent que la technique de mon père est archaïque. Qu’il enlève un maximum de fioritures pour rester dans le souffle. Cela lui donne un jeu complètement moderne. C’est ce que les minimalistes ont cherché à faire d’une manière plus académique, il y a cinquante ans. Finalement, si toutes nos expériences mènent à l’émotion musicale, Pedro et moi avons réussi ce que nous voulions montrer dans cet album.
Pedro Soler : Le but a été de remplacer la chant par le violoncelle de Gaspar. Et je crois que ses grincements, ses craquements et ses harmoniques qui s’envolent autour de ma guitare sont très proches de l’expression du flamenco. La voix de ces chanteurs est violente, douloureuse et en même temps tellement pétrie dans la phrase musicale. Le jeu de Gaspar s’en approche très bien sur ce disque. Et c’est pourquoi nous sommes très complémentaires…
Le flamenco est désormais inscrit au patrimoine immatériel de l’humanité de l’Unesco. Pensez-vous que c’est une bonne chose ?
Pedro Soler : Je pense que cela ne sert strictement à rien. C’est très bien pour les Andalous et pour leur académie mais cela n’influe en rien sur la musique. C’est Lorca et Manuel de Falla qui ont donné au flamenco ses lettres de noblesse, en organisant le premier concours de flamenco en 1932 à Grenade. Depuis, cette musique est considérée comme un véritable art, autant au niveau du chant, que des mélodies ou de la danse. Qu’il soit inscrit à l’Unesco c’est légitime, mais c’est sûr que ça risque de le figer, de le noyer dans une dimension mondiale…
Gaspar Claus : On parle de patrimoine, où l’on met des choses immatérielles sous verre pour les protéger : on ne peut plus y toucher. En fait, je pense que le monde tel qu’il est aujourd’hui a besoin de se forger une mémoire un peu froide et un peu figée. Tout va extrêmement vite et nos mémoires individuelles sont de plus en plus défaillantes. Il faut donc assurer à notre descendance un patrimoine, pour ne pas oublier ce que l’on a inventé. Mais la vie de ces cultures ne passe pas par ici. Elles ne se visitent pas, elles se ressentent…
Dans votre album, vous avez invité Sufjan Stevens sur l’un de vos titres, « Encuentro en Brooklyn ». Comment est née cette collaboration ?
Gaspar Claus : C’est tout simple. Il habite le quartier dans lequel nous avons enregistré cet album, à Brooklyn précisément. Il trainait toujours dans le coin et un jour, alors que nous étions prêt à jouer un morceau, il est venu par hasard et s’est installé à l’harmonium. Il avait décidé de prêter une oreille à ce que l’on faisait et cela lui a plu…
Pedro Soler : Nous, on attendait pour enregistrer et je lui ai proposé un mode frygien, très caractéristique du flamenco. J’ai fait quatre accords, nous sommes parti la dessus. Gaspar et moi n’avions jamais joué avec Suftan Stevens. On ne se connaissait pas mais la version qui est sur le disque a été enregistrée en une seule prise. C’est avec ce genre d’anecdote que je ne me lasserais jamais de jouer de la musique….
Gaspar Claus et Pedro Soler
Julien Bouisset Mondomix.com jeu, 06/23/2011
Liens à voir
Un extrait de concert
[youtube]http://youtu.be/UCh6wWagbws[/youtube]
Un documentaire sur le duo
[vimeo]http://vimeo.com/3221764[/vimeo]
Liens à écouter
Ecouter le disque en intégralité